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Plus solide qu’un arbre (2016)
Un des bonheurs particuliers de suivre le Tour du Finistère tient au magnifique paysage qu’il offre tout au long de son parcours. Il ne suffit que d’évoquer les villages traversés, les églises frôlées, les spectateurs fréquentés et les spectatrices embrassées, tout à la joie qu’elles sont de découvrir notre défilé cycliste qui, de Saint Evarzec à Quimper, pourtant à peine éloignés de quelques kilomètres, ont suffisamment d’imagination et de passion pour en offrir 193, histoire de faire durer le plaisir par des préliminaires géographico-kilométriques. Plaisir d’une relation qui commence à durer et qui est destinée à se prolonger tant ces deux communes ont des choses en commun et qu’on nomme communément, le partage et la communauté. Ce plaisir des yeux et des sens, parfois interdits, mais ce jour-là autorisés, ne doit pas nous faire oublier l’âpreté parfois de certains secteurs faits pour durcir la course et éprouver les champions. Curieuse alchimie qui veut que le spectateur ne prend jamais autant de plaisir qu’en voyant souffrir les coureurs qui, de leur côté, aiment à endurer douloureusement pour donner du bonheur aux gens. C’est un échange qui semble être admis dans les codes tacites du plus admirable des sports. A ce titre certaines difficultés offrent chaque année une véritable séance de torture à ciel ouvert et les rictus des concurrents racontent beaucoup sur la dureté et la difficulté que tout le monde constate mais que seuls une centaine de coureurs acceptent de subir à chaque édition. Certains de ces forçats se disent totalement secs à Briec, pas très bien à Pleyben, presque fous à Châteauneuf du Faou, Nazes en haut de Laz et plus très vivants à Stang Vihan. Mais en dépit de certains airs dépités, il fallait encore un immense arbre débité pour permettre que le miracle se produise encore. Cet arbre harassé par trop de feuillage retenu, ou fatigué de racines trop fragiles avait chu de tout son long sur le circuit final et offrait ainsi un barrage naturel et définitif qui risquait de marquer un coup d’arrêt brutal à l’épreuve. La lourdeur de son tronc, l’envergure de ses branches étaient comme un obstacle qui se voulait infranchissable et qui à première vue le serait devenu si ce n’était la présence d’esprit d’un bénévole qui permit la mise en œuvre d’une stratégie de dégagement opérée par les pompiers. Ceux-ci, équipés d’une tronçonneuse durent agir sans faire de sentiment en réduisant le fautif, billot par billot, pour en faire des buches de pâques permettant de dégager la chaussée juste avant l’arrivée de notre procession sportive. Il s’en est fallu de peu. Alors même que le Tour du Finistère par son traçé rend un hommage à la magnifique nature des environs, c’est elle-même, cette nature parfois traitresse, qui par l’intermédiaire de ce végétal récalcitrant a tenté de poser un piège supplémentaire à cette 30èmeédition qui en a vu d’autres pourtant mais que rien décidément ne peut abattre. Cet arbre qui aurait voulu gâcher la fête a trouvé sa place durant tout l’hiver dans l’âtre de quelques cheminées alentours et la fumée qui s’en dégagea était déjà un signe destiné à l’avènement de la 31ème édition qui se présente fièrement et robuste, plus robuste qu’un arbre, plus dense qu’une forêt, fut-elle une forêt pleine d’embûches.
Marc Fayet