Tour du Finistère
Une histoire de Fous. (2015)

Il y a trente ans, pas très loin d’ici, quatre copains plein d’entrain, un verre de blanc à la main, enfin j’imagine, je n’y étais pas mais je connais bien mon Jean-Paul et ses rituels, ont sorti chacun un billet de cent francs en se jurant « Avec ça on va organiser une course cycliste » Mais contrairement à ce que la logique des chiffres et la logique tout court voudrait conclure, cent francs plus cent francs plus cent francs, plus cent francs, ça ne fait pas quatre cents francs. Ça fait beaucoup plus que ça ! ça fait peut-être rire un peu au début, c’est vrai, puis ça fait dresser l’oreille, puis ça fait du bruit, puis ça fait écho, puis des jaloux, puis des envieux, puis des amoureux, puis des inconditionnels et finalement ça devient une institution, un événement chaque année renouvelé qui n’a pas de prix sinon celui de la sueur et du plaisir.

Depuis trente ans que la course repose sur les épaules de Jean-Paul Waterloos, le taureau de Kerfeunteun, le bouledogue de Temara, elle n’a jamais cessé de prendre de l’ampleur. Tour du Finistère c’est aussi TDF comme Tous Des Fous ! Car il faut l’être et le rester de nos jours pour se battre comme il le fait. Acceptons l’évidence. Jean-Paul est fou, ses amis sont fous, ses bénévoles sont fous et c’est la folie qui nous réunit ici encore ce soir. « La folie est le propre de l’homme »écrivait Blaise Cendrars. Acceptons-en l’évidence et assumons ! Fous que nous sommes de croire encore possible d’entretenir un rêveen temps de crise. Car la crise est mondiale, nous dit-on. Mais je doute qu’il y ait plus fous qu’ici du côté de Quimper entre le 20 Mars et le 18 Avril. On dirait que tous les plus dingos s’y sont donnés rendez-vous.

Daniel Mangeas par exemple ? Vous ne croyez pas qu’il n’a pas son petit grain ? Cet homme qui après une carrière de plus de 40 ans en demande encore et encore. Et des tempêtes sur la gueule et des podiums encore plus glaciaires que protocolaires alors qu’il pourrait rester tranquille sur son canapé bien au chaud à Saint Martin de Landelles en se récitant le palmarès du tour 1986.

Et Ludovic Jolivet vous ne croyez pas qu’il est un peu marteau aussi pour continuer à soutenir ce Tour du Finistère envers et contre tout depuis toutes ces années ? Oui mais il aime Quimper à la folie, il aime les Quimperois passionnément et les Quimperois sont dingues du Tour du Finistère. Alors il ose Ludo ! Il ose Quimper ! Il ose le tour, il ose toujours.

Et André Guillou et Sophie Boyer ? Vous pensez qu’ils sont épargnés par ce délirium pas si mince qui les pousse à pousser Jean-Paul, qui n’est pas très mince non plus, faisant chaque année de Saint Evarzec, 140 habitants au km carré, la ville aux 140 cyclistes aux 100 mètres carrés.

Et le Crédit Agricole du Finistère ? Vous ne pensez pas que c’est du délire de continuer un partenariat alors qu’ils pourraient investir dans la pétanque par exemple ? Ou le crachat du noyau d’olive ? Qui occupent, il faut bien le reconnaître, beaucoup moins de route. Imaginez l’économie de banderoles !

Mais il n’y a pas que nous qui soyons fous. La preuve !

Regardez ! Anne Quéméré, vous ne croyez pas qu’elle est folle à lier de partir encore pour risquer sa vie entre les glaces arctiques alors qu’elle pourrait faire un petit tour de barque peinarde sur l’Odet ?

Et Gérard Loussine ? Vous ne croyez pas qu’il est un peu dingo de me suivre jusqu’ici lui qui pensait faire un tour de barque sur l’Odet avec Anne Quéméré, mais non, le voilà dans la fosse aux forcenés et il risque d’en parler à Paris « Je vous jure ! Ils sont tous tarés par là-bas ! ».

Non, il faut bien l’admettre. Selon l’adage qui dit « Plus on est de fous, plus on rit » j’ajouterai ce que nous a enseigné Aristote « Il n’y a point de génie sans un grain de folie ». Alors accordons-nous cette tare qu’il fait bon avoir. Félicitons-nous du génie qui règne ici, qui nous lie et nous relie.

Nous ne portons pas de saladier sur la tête, nous ne poussons pas de cris d’animaux et ne nous prenons pas pour Napoléon non, nous aimons tout simplement voir du vélo, faire du vélo, rêver de vélo et notre seule folie c’est de croire, et « L’espérance est la plus grande de nos folies » disait Alfred de Vigny, qui est né justement au mois de Mars à quelques jours de cette réunion, le mois de Mars qui depuis toujours, on le sait, est le mois des fous.

Comme quoi c’est un signe et nous étions faits pour nous rencontrer pour préparer Avril car « En avril, jamais on ne se défile », voilà ! En toute immodestie déraisonnée ce petit proverbe est de moi, mais il est pour nous tous, amis insensés que vous êtes.

Marc Fayet